Et si la vraie richesse du SIRH, ce n’était pas le logiciel mais la data ?

Et si la vraie richesse du SIRH, ce n’était pas le logiciel mais la data ?

En matière de SIRH, on se trompe souvent de combat.

On focalise l’attention sur les noms de logiciels, sur les dernières versions à la mode, sur l’interface d’un portail RH ou sur la promesse marketing d’un éditeur. Certains jurent par Lucca, d’autres par Talentsoft, quelques-uns rêvent de Workday… Mais demain, tout cela aura beaucoup moins d’importance.

Parce que dans quelques années, les outils RH ne seront plus des silos ou des briques séparées. Ils seront totalement interconnectés, interfacés, invisibles. Ce ne sera plus le logiciel qui fera la différence, mais l’information qui circule à travers lui.

Ce qui comptera, ce sera la qualité de la data RH, sa fiabilité, sa traçabilité, sa disponibilité. Le SIRH ne sera plus seulement un logiciel. Ce sera un système nerveux de l’entreprise, où la donnée bien structurée permettra d’agir vite, de piloter mieux, d’anticiper plus.

Autrement dit : la vraie richesse du SIRH n’est plus dans le contenant, mais dans le contenu. Et ce contenu, c’est la donnée RH.

1. Le SIRH — Contenant vs Contenu

Le SIRH n’est qu’un contenant : une enveloppe logicielle, un cadre opérationnel, souvent mis en avant pour sa modernité, son ergonomie, ou ses fonctionnalités UX/UI.

Mais la vraie richesse, ce n’est pas le contenant, c’est le contenu.

La data RH est le véritable or noir du système, source de valeur stratégique, de conformité sociale et réglementaire, et surtout d’efficacité organisationnelle.

Une donnée RH bien structurée, contextualisée et de qualité permet de générer des traitements analytiques puissants, bien au-delà des simples promesses logicielles des éditeurs.

2. Données brutes vs KPI — De la matière première aux produits finis

Il est essentiel d’opérer ici une distinction majeure.

  • D’un côté, nous avons la donnée brute, la matière première du système RH :
    des éléments non retraités comme les types de contrats, les dates d’entrée, les heures travaillées, les motifs d’absence, etc.

  • De l’autre, nous avons les KPI RH, qui sont les produits finis issus de cette matière :
    taux de rotation, taux d’absentéisme, coût moyen de formation, durée moyenne de recrutement, etc.

Trop souvent, les organisations veulent piloter directement via les KPI, sans s’assurer au préalable de la qualité, de la cohérence et de la structuration des données brutes qui les alimentent.

Résultat : on affiche des chiffres sans fondement, on prend des décisions sur du sable.

3. Froid vs Chaud — Une autre grille de lecture

On peut également adopter une autre grille de lecture de la data RH, en distinguant deux types de données, aux usages très différents.

  • D’un côté, les données « froides » :
    identitaires, structurelles, statiques.
    Ce sont les données de base : sexe, âge, type de contrat, classification, volume horaire…
    Elles fondent la dimension transactionnelle du SIRH.

  • De l’autre, les données « chaudes » :
    issues de l’engagement, du ressenti, des feedbacks, du climat social, des aspirations professionnelles…
    Elles nourrissent la dimension relationnelle et humaine du SIRH.

👉 Cette distinction permet aussi de hiérarchiser les priorités :
tant que le socle « froid » n’est pas fiabilisé, structuré et cohérent, il est illusoire de bâtir des usages « chauds » autour de l’expérience collaborateur ou du talent management.

4. La check-list de la data RH à collecter

Pour bien structurer son SIRH, il est indispensable de construire une check-list opérationnelle. Elle permettra d’auditer la qualité et l’exhaustivité de la donnée RH réellement disponible dans l’entreprise.

Cette check-list doit couvrir au moins cinq grandes familles de données :

  • Données identitaires : âge, sexe, poste occupé, niveau hiérarchique, niveau de formation…

  • Données contractuelles : type de contrat, statut, quotité de travail, classification, convention collective…

  • Données temporelles : date d’entrée, date de sortie, absences, heures travaillées, planning…

  • Données de rémunération brute : salaire brut de base, primes, avantages en nature, ancienneté…

  • Données d’historique RH : formations suivies, mobilités, changements de poste, évaluations…

🧮 On peut également distinguer deux grands types de variables :

  • Les variables discrètes (sexe, type de contrat, métier…)

  • Les variables continues (heures travaillées, rémunération, ancienneté…)

👉 Ce parallèle avec les méthodes statistiques est très utile pour structurer proprement les bases de données et faciliter ensuite les traitements analytiques.

5. Vers un schéma directeur SIRH centré sur la donnée

Quand on réfléchit en amont à un projet SIRH — que ce soit pour une PME ou un grand groupe — on commence souvent avec ce que l’on appelle une page blanche. Et dans ces cas-là, la priorité n’est pas de choisir un outil, mais de construire une stratégie d’organisation de la donnée.

Celle-ci peut s’articuler en trois grandes étapes, qui peuvent aussi correspondre à trois temps dans l’évolution du SIRH :

  1. Centraliser et structurer l’information brute
    → Il s’agit ici de créer un CORH (corps RH) unifié, cohérent, nettoyé des silos et des doublons.
    C’est le socle. Rien ne peut se construire sans cette fondation.

  2. Optimiser l’usage et la circulation de l’information
    → Une fois les données stabilisées, on travaille leur qualité, leur traçabilité, leur accessibilité.
    L’objectif : une circulation fluide entre les outils, les équipes, les processus.

  3. Élargir aux dimensions relationnelles et prédictives
    → On peut alors déployer les briques d’employee experience, d’engagement collaborateur, d’IA RH et de prévision des emplois et compétences.

👉 Ce schéma directeur repose sur un principe fondamental : la data d’abord, les outils ensuite.

6. Adapter le SIRH au secteur d’activité : une nécessité, pas une option

On ne peut pas penser un SIRH hors sol. La dimension sectorielle est trop souvent négligée, alors qu’elle détermine en réalité la nature, la densité et la complexité de la donnée RH à collecter et à traiter.

  • Dans certains secteurs, la donnée RH est relativement simple à gérer (structure légère, peu de règles contraignantes, grande liberté d’organisation).

  • Mais dans d’autres, la complexité normative est telle que la donnée devient sensible, instable, difficile à structurer.
    C’est notamment le cas dans la santé, les transports, ou certains secteurs industriels soumis à des normes fortes (sécurité, astreintes, durée légale, etc.).

👉 C’est pourquoi il est indispensable d’adapter le SIRH au contexte métier, aux usages, aux flux, à la réglementation propre à chaque domaine.
Plaquer une solution standard, c’est ignorer la réalité du terrain et risquer un déploiement hors-sujet.

7. Conclusion — La data comme carburant du SIRH

On aura beau choisir le plus bel outil, avec la meilleure UX du marché, des modules hyper complets, et un portail self-service séduisant… rien ne fonctionnera sans une donnée fiable, claire et bien structurée.

💥 Un SIRH sans données fiables, c’est une Ferrari sans essence : belle, brillante… mais totalement inutile.


📣 Pour aller plus loin

👉 Découvrez le guide complet de la Data RH publié sur Yapluqua :
📘 https://yapluqua.com/guide/guide-de-la-data-rh

par Stéphane

Stéphane Poignant est formateur RH et créateur de jeux sérieux, de guides pratiques et de contenus qui font bouger les lignes. Il explore les coulisses du SIRH, de la data RH et du learning by doing. https://www.linkedin.com/in/stephanepoignant/